La réserve naturelle de Hornstrandir – Le guide complet
La première fois que j’ai sauté d’un zodiac pour poser le pied dans la réserve naturelle de Hornstrandir, il pleuvait des seaux! L’accueil était à la hauteur de la réputation de cette péninsule perdue dans les plus vieilles terres d’Islande. Autant vous dire tout de suite que je n’étais pas serein. D’abord parce que j’étais seul dans le ferry qui m’a déposé là, et ensuite parce que c’était ma première réelle autonomie.
Pourtant, j’étais habitué aux conditions extrêmes, à dormir dehors, à manger de l’avoine et du couscous tous les jours. Mais vivre en autonomie dans une terre aussi isolée était une nouvelle étape pour moi. Cette expérience a commencé avec 24h sous la tente à attendre que la pluie s’arrête!
Aujourd’hui je peux vous parler de Hornstrandir parce que j’y ai passé beaucoup de temps en tant que photographe, mais aussi parce que j’y travaille en tant que guide de randonnée et guide photo. J’y ai connu mes plus beaux moments dans la nature, mais aussi les pires, quand la nature se montre implacable et vous remet à votre place de petit mammifère.
Si vous projetez de visiter la réserve naturelle de Hornstrandir pour randonner, photographier les renards polaires ou observer les oiseaux de mer, alors lisez ce post jusqu’au bout, j’y aborde tout ce que vous devez savoir sur le sujet !
Somaire
- La réserve naturelle de Hornstrandir
- La situation géographique de la réserve
- Comment se rendre à Hornstrandir : le ferry
- Faire un trek à Hornstrandir
- La faune sauvage de Hornstrandir
- Les fantômes de Hesteyri
- Conclusion
La réserve naturelle de Hornstrandir
Hornstrandir est une réserve naturelle située dans la région des Westfjords d’Islande (Vestfirðir). C’est une péninsule très difficile d’accès. Aucune route n’y mène et l’humain a déserté les lieux dans les années cinquante.
Je me suis souvent demandé comment des populations humaines ont pu vivre dans un endroit aussi hostile! La péninsule est coupée du reste de l’Islande, et exposée aux puissant vents polaires.
Le dernier village à avoir été évacué est celui de Hesteyri, côté sud de la péninsule.
Aujourd’hui 8 maisons existent encore dans ce village. Elles ont été transformées en maisons de vacances. Si vous visitez ce fjord, n’hésitez pas à aller tout au bout, car la cheminée d’une vieille station de baleiniers norvégiens se dresse toujours au milieu des ruines.
La réserve tient son nom de la corne (horn) qui est située face nord de la péninsule et de la région, le Strandir. Cette corne ponctue la baie de Hornvik, qui est, au dire des islandais, le plus beau paysage du monde. D’impressionnantes falaises de 500m de haut abritent des millions d’oiseaux de mer. J’ai passé plusieurs semaines à observer les renards polaires chasser sur les falaises de Hornvik, et je peux vous dire que le panorama durant le soleil de minuit est à couper le souffle!
La situation géographique de la réserve
Avant de vous parler de mon expérience, voyons un peu la géographie et la géologie de la régions. La réserve de Hornstrandir est située à l’extrême nord des Wesfjords. Elle constitue un rempart naturel qui protège les villages des Westfjords comme Ísafjörður, Súðavík ou Bolungarvik des vents nord et nord-est.
Par ailleurs, les terres de la région sont les plus anciennes d’Islande, car les plus éloignées de la dorsale médio-atlantique (qui sépare la plaque Amérique du Nord de la plaque Eurasie), à partir de laquelle de la nouvelle terre se crée. Vous avez bien lu, l’Islande s’agrandit tous les ans de 2cm, grâce ou à cause de la séparation entre ces deux plaques.
Hornstrandir est faite d’une succession de fjords au sud et de baies au nord. Ces formations ont été creusées par les glaciers durant la dernière période glaciaire, puis soumises aux vents et à l’érosion. La nature a œuvré à créer cet endroit en utilisant la glace, l’eau et le vent. Aujourd’hui, la glace en hiver, puis l’eau et le vent en été, continuent de sculpter la réserve.
Vue sur le Groenland
L’Islande est à deux pas du Groenland. Si la météo s’y prête, il est même possible de voir la côte groenlandaise (à moins de 300 km de Hornstrandir) depuis les falaises de Hornvik. Les montagnes enneigées de la côte est groenlandaise apparaissent alors comme un mirage tout le long de la ligne d’horizon.
Le glacier Drangajökull
Au sud de Hornstrandir, la présence du glacier Drangajökull augmente l’isolement de la péninsule en empêchant toute connexion terrestre. Ce qui rend tout recours à un véhicule terrestre impossible, même en cas de situation d’urgence.
J’ai la chance de traverser ce glacier tous les ans en tant que guide. De son sommet, on aperçoit la baie de Reykjarfjörður, les pics de basalte noir qui émergent de la glace et une immensité enneigé et silencieuse. Une expérience à la frontière du spirituel 🙂
Comment se rendre à Hornstrandir : le ferry
Vous l’aurez compris, il n’y a pas mille solutions pour se rendre à Hornstrandir, vous devrez passer par le Ferry.
Durant les mois d’été, des liaisons quotidiennes sont assurées. Il vous suffit de réserver votre place auprès de l’une des trois compagnies qui proposent la traversée ferry à Hornstrandir :
Attention, je vous conseille de réserver votre trajet retour en même temps. Le réseau mobile se fait rare à Hornstrandir, il vaut donc mieux connaître votre jour et heure de retour par avance. Si vous avez absolument besoin de réseau mobile, vous pouvez nous contacter, je vous indiquerai les localisations exactes des points où trouver du réseau.
Une fois dans la réserve, votre seul moyen de locomotion est évidemment vos jambes. J’en profite pour vous dire que le terrain est très difficile à pratiquer. Si vous avez l’habitude de randonner en Europe, même en montagne, sachez que le niveau de difficulté y est beaucoup plus élevé. Pierriers, marécages, pentes raides … tout est fait (merci les glaciers) pour que la randonnée à Hornstrandir soit une activité sportive de haut niveau!
La blague locale est d’ajouter “icelandic” à toute mesure de distances (par exemple, icelandic 10 kilometers).
Les deux destinations les moins chères en ferry (parce que proches) sont Hesteyri et Veiðileysufjörður (mais si, après quelques crampes à la langue, vous arriverez à prononcer le nom de ce fjord!)
Faire un trek à Hornstrandir
Quand y aller ?
Hornstrandir en été
L’été est la belle saison dans la réserve naturelle de Hornstrandir. Mais tout est relatif, nous parlons des Westfjords en Islande, et le climat y est des plus imprévisibles, même en plein mois de juillet.
En été, c’est le jour polaire à Hornstrandir. Le cercle Arctique n’est qu’à quelques kilomètres, et à partir du 21 juin, vous pouvez assister à des couchers de soleil à couper le souffle. Les lumières y sont sublimes et le temps semble s’être arrêté. Faire une balade nocturne, et profiter de la quiétude des lieux, croiser un renard polaire, ou voir au loin une baleine à bosse, est un privilège que peu de gens ont eu.
L’été dans la réserve peut aussi bien être sec que humide. Mais le plus souvent, comme en Bretagne ou en Irlande, le temps est très variable. Les beaux jours succèdent aux jours pluvieux ou brumeux. Chaque journée crée sa propre ambiance. Les températures peuvent varier de 0 à 15 degrés. Exceptionnellement (de mémoire d’islandais) elles peuvent atteindre les 20 degrés. Mais, pour ne rien vous cacher, je ne l’ai jamais vécu.
En résumé, les mois d’été (juillet et août) sont les plus cléments dans la réserve naturelle de Hornstrandir, mais soyez vigilants tout de même !
Hornstrandir en automne
A la fin du mois d’août, la réserve se vide. Et au début du mois de septembre, l’automne s’installe, les températures chutent et la saison touristique touche à sa fin. La toundra revêt son manteau rouge et les myrtilles, qui ne manquent pas dans le coin, sont prêtes à être cueillies. Mais avec l’automne vient aussi la saison des tempêtes. Plus le mois avance, et plus les conditions deviennent difficiles. Pourtant, les liaisons en ferry continuent jusqu’au 14 septembre. Pour ma part, je vous recommande chaudement de passer par un voyage guidé si vous voulez vous aventurer dans la réserve hors saison. A de nombreuses reprises, j’ai croisé dans la réserve des personnes en difficulté (manque de nourriture, absence d’informations sur les tempêtes, chutes dans les rivières …), soyez donc prudents!
Hornstrandir en hiver
Autant vous le dire tout de suite, si vous n’êtes pas habitué aux conditions extrêmes et dangereuses, il est inutile d’envisager une autre saison que l’été à Hornstrandir. L’hiver y est Arctique. Même pour les islandais, la vie dans la réserve est impossible.
À partir de début septembre, toutes les liaisons sont interrompues. Il n’est plus possible de se rendre à Hornstrandir en ferry classique. Toutefois, si vous êtes photographe ou vidéaste, et que vous souhaitez travailler sur la réserve de Hornstrandir en hiver, alors il y a des solutions. Vous pouvez par exemple contacter Wildlife Photo Travel pour y être accompagné.
La réserve de Hornstrandir est particulièrement enneigée en hiver, beaucoup plus que le reste des Westfjords. En effet, la réserve est un rempart qui protège les villes des Westfjords des vents nord et nord-est. Il suffit de se tenir face à la réserve, depuis la ville d’Ísafjörður, pour se rendre compte de la différence d’enneigement.
Autre information importante : les vents et le brouillard sont pratiquement permanents. Aucun autre équipement de bivouac que celui prévu pour l’Arctique, ne peut résister à ces conditions.
Enfin, il n’y a pas âme qui vive dans la réserve en hiver. Si vous avez la chance d’y poser le pied en février ou mars, alors vous serez probablement seul!
Les itinéraires de randonnée à Hornstrandir
Il existe des chemins de randonnée officiels dans la réserve naturelle de Hornstrandir. Ces chemins relient les camps entre eux. Je vous déconseille de sortir de ces chemins, car la randonnée hors sentiers est très difficile, pour ne pas dire impossible. Il faut aussi dire qu’en utilisant ces tracés, vous préservez la flore de la réserve qui est unique en Islande, car préservée des animaux d’élevage.
Il existe de nombreuses cartes de la réserve naturelle de Hornstrandir, que vous pouvez acheter au bureau des rangers qui se situe à Ísafjörður (Hornstrandir Visitor Center)
Si vous avez l’habitude d’utiliser des cartes numériques, alors je vous recommande chaudement l’application OsmAnd (Open Street Map). Cette application, qui permet de télécharger des cartes pour s’en servir hors réseau, m’a rendu bien des services depuis 2018, je l’utilise même dans le Sahara.
En l’utilisant durant votre randonnée, vous pourrez pointer des centres d’intérêt, associer des localisations aux photos et préparer vos itinéraires par avance. Mais l’utilité de cette application est surtout de toujours savoir où vous êtes. Impossible de vous perdre dans ces conditions, même au milieu d’un désert.
Le camping à Hornstrandir : Bivouaquer en autonomie
Si vous partez randonner à Hornstrandir, vous n’aurez pas d’autre choix que de bivouaquer. Il existe deux auberges dans la réserve, mais elles sont éloignées de plusieurs jours de marche. Il va donc falloir porter tout le matériel de bivouac, mais j’en parlerai plus loin.
Ce que vous devez d’abord savoir, c’est que le camping à Hornstrandir est interdit en dehors des campsites, sauf en cas d’urgence. Et les rangers de la réserve seront là pour veiller au respect de cette règle!
Vous devrez donc marcher entre 10km et 18km par jour pour rejoindre le camp suivant.
Les cabines d’urgence
Certaines cabanes d’urgence ont été mises à disposition des randonneurs, mais uniquement en cas d’urgence. Ces cabanes ressemblent à une soucoupe volante orange fluo, et sont visibles de très loin, vous ne pouvez pas les rater. Les plus importantes sont celles situées à Hornvik et Hlöðuvík, car ces deux camps sont orientés plein nord et il est difficile de s’y abriter en cas de tempête.
En octobre 2023, lors d’un voyage guidé, nous avons eu une situation d’urgence avec deux personnes du groupe. L’une d’elles était en hypothermie, l’autre en situation de panique à cause de l’épuisement. Lorsque j’ai voulu les mettre à l’abri (et au chaud) dans une cabane d’urgence, j’ai découvert que du matériel avait été laissé dans le refuge. J’ai donc dû déplacer ce matériel en catastrophe, ce qui m’a pris une bonne demie heure.
Si vous n’êtes pas dans une situation d’urgence, alors vous devez laisser ces abris libres, d’autres pourraient en avoir besoin.
Les toilettes sèches
Encore une particularité de la réserve naturelle de Hornstrandir, des toilettes sèches ont été construites à chaque camp. Dans la mesure du possible, privilégiez l’utilisation de ces toilettes pour vos besoins. Leur intérêt est surtout de protéger la flore locale du piétinement.
La faible affluence permet même de les utiliser en gardant la porte ouverte pour profiter du paysage! (c’est même une blague locale : comment savoir si les toilettes sont occupées ? lorsque la porte est ouverte !)
Pour résumer, camper à Hornstrandir implique de porter tout votre matériel de randonnée, la nourriture et un minimum d’équipement de sécurité (comme une trousse de secours). Il faut être entraîné à porter plus de 12kg (et jusqu’à 20kg, en fonction de la durée de séjour) sur des parcours difficiles. Si en plus de cet équipement, vous devez transporter du matériel photo/vidéo, alors une sérieuse préparation de votre sac à dos et de votre condition physique s’impose !
L’équipement nécessaire
Voici une liste non exhaustive de l’équipement dont vous aurez besoin pour randonner à Hornstrandir :
Pour le couchage
- Une tente trois saisons, je vous recommande la MT900 Ultralight de chez Décathlon, un très bon rapport qualité/prix que j’ai utilisé dans la réserve de juin à octobre.
- Un matelas gonflable léger de 7cm minimum
- Un sac de couchage prévu pour des températures négatives. En fonction de votre budget, je vous recommande le Valandre La Fayette (Très compact et très léger) ou le Makalu ll de Décathlon. Point important: le sac de couchage doit toujours être stocké dans un sac étanche!
Autre équipement
- Deux sacs étanches : un pour le sac de couchage, et un second pour les vêtements, trousse de toilette, carnets …
- Une trousse de toilette : brosse à dents, dentifrice, papier toilette, savon, crème solaire et éventuellement de la vaseline pour limiter l’évaporation de l’eau sur la peau (si vous avez la peau sensible et pour soulager les irritations). Evitez les accessoires inutiles, comme les mouchoirs en papier (une main sur une narine, et un soufflement sec sur l’autre fera très bien l’affaire et évitera des déchets supplémentaires)
- Une trousse de secours : un produit désinfectant, des compresses, des patchs pour les ampoules, de l’ibuprofène (ou autre anti douleur et anti inflammatoire), une aiguille, une pince à épiler peut aussi être utile…
- Des vêtement fins et chauds : privilégiez de fines couches de laine mérinos avant de terminer avec une polaire plus épaisse et un coupe vent imperméable. Pour le bas, un legging en soie ou en polaire et un pantalon de randonnée. Enfin, des accessoires comme un tour de cou, un bonnet et des gants sont indispensables.
- Du matériel de cuisine : un réchaud, deux bouteilles de gaz et des ustensiles de base.
- Une gourde pour l’eau : l’eau est potable dans toute la réserve de Hornstrandir, et ce ne sont pas les points d’eau qui manquent, une gourde de 800ml suffit.
- Batterie externe et panneau solaire : pour assurer votre autonomie en électricité , un ou deux Powerbank, je vous recommande les samsung 20AH, et un panneau solaire pliable comme le BigBlue 28W qui vous permet de recharger téléphone et appareil photo.
L’équipement complet d’une randonnée en autonomie est disponible sur notre page “Quel équipement pour un trek en autonomie ?”
L’alimentation durant votre randonnée à Hornstrandir
Il n’est pas évident de connaître ses besoins alimentaires avant d’avoir fait l’expérience de la randonnée en autonomie. Le régime alimentaire pour lequel vous allez opter dépend de l’énergie dont vous avez besoin, de votre fréquence d’alimentation et de votre système digestif. En effet, au delà de quelques jours, vous risquez de perdre votre flore intestinale, à cause de l’absence de fibres notamment. Mais nous pouvons néanmoins établir une liste généraliste pour votre alimentation dans la réserve de Hornstrandir, à vous de l’adapter ensuite.
Liste non exhaustive d’aliments pour la randonnée de 12 jours en autonomie à Hornstrandir :
Pour les repas
- Flocons d’avoine (800g) : pour le petit déjeuner, l’avoine peut être associé aux raisins secs, aux noix de cajou et à la cannelle pour un repas qui tient au ventre! Pour le préparer, il suffit de faire bouillir de l’eau, de mélanger le tout et d’attendre 2 minutes.
- Couscous (1kg) : pour le déjeuner, associé aux dattes et/ou aux abricots séchés, aux cacahuètes, aux épices et à l’huile d’olive. Pour le préparer, ajoutez le volume de la graine en haut chaude, mélangez et attendez 5 minutes.
- Cacahuètes (500g) : riches en protéines, fer, magnésium et potassium.
- Noix de cajou (250g) : pour les vitamines B1 et B2, importantes pour avoir de l’énergie
- Dattes (500g) : riches en vitamines, c’est LE fruit facile à transporter et consommer
- Raisins secs (500g) : également riches en vitamines, surtout le calcium!
- Abricots séchés (250g) : riches en vitamines, ils vous donneront de l’énergie, vous pourrez même en consommer pendant les efforts intenses.
- Soupes lyophilisées (24) : Pour le soir, après avoir fait bouillir de l’eau, ajoutez deux soupes et une poignée d’avoine.
- Epices : je vous recommande curcuma, gingembre, coriandre, poivre noir (le tout en poudre) pour le couscous, de la cannelle pour le prodige, et du sel bien entendu.
- Huile d’olive (500ml) : la liste des bienfaits de l’huile d’olive est longue, mais elle sera surtout votre source d’oméga 6 et oméga 3
Les snacks
- Barres de céréales : pour les protéines mais surtout les fibres!
- Pâte d’amandes : à la fois pour les protéines (en petite quantité) et le sucre
- Barres protéinées : vous risquez de perdre beaucoup de poids, autant favoriser la construction de muscles.
- Chocolat : pour le magnésium et la vitamine B6 qui permet de l’assimiler.
Il faut compter environ 2kg de snacks pour 12 jours
Les règles de sécurité dans la réserve de Hornstrandir
S’aventurer dans la réserve naturelle de Hornstrandir n’est pas une randonnée classique, vous devez respecter certaines règles de sécurité pour éviter toute situation à risque.
Avant tout, sachez que faire un feu de camp est strictement interdit à Hornstrandir, comme partout ailleurs en Islande. Une décision qu’on peut comprendre étant donné la rareté du bois sur l’île.
La gestion de l’effort
Le premier conseil que je peux vous donner est de correctement gérer votre énergie. Vous ne devez jamais être complètement épuisé. Garder de la ressource permet, en cas d’urgence, d’être capable de faire quelques kilomètres supplémentaires.
Il m’est arrivé de faire 17km dans la réserve (ce qui équivaut pour moi à 30km dans les Alpes), et de devoir faire 10km de plus à la fin de la journée pour gérer une urgence.
Gérer votre énergie implique d’une part une préparation sérieuse pour une bonne condition physique, et d’autre part une alimentation régulière et complète durant le séjour. Si vous êtes au bout de l’effort, vous prenez un risque (notamment en cas d’accident).
Un équipement adapté
Comme je l’écrivais plus haut, le terrain dans lequel vous allez évoluer est très difficile. Vous devrez traverser des rivières, des passages abruptes et glissants, vous approcher de l’océan, bref, en matière d’accidents, ce ne sont pas les raisons qui manquent!
Dans ces conditions, vous devez avoir un bon équipement. Je vous recommande vivement de voyager avec vos bâtons de randonnée. Personnellement, quand je travaille dans la réserve en tant que guide, je refuse toute personne n’ayant pas ses bâtons de randonnée.
Vous devez également avoir des vêtements entièrement étanches (veste, sur-pantalon et chaussures).
Concernant les chaussures de randonnée, j’ai essayé différentes catégories et seules les chaussures de catégorie BC (entre la randonnée en montagne et l’alpinisme) conviennent dans la réserve. Le terrain est tellement accidenté qu’il est impossible d’assurer chaque pas.
Attention aux falaises!
Vous avez certainement vu des images des falaises impressionnantes de Hornvík. Durant votre randonnée dans la réserve naturelle de Hornstrandir, vous allez pouvoir longer ces falaises et profiter de l’incroyable panorama qui s’offre à vous. Mais attention à ne pas trop vous approcher du bord. Des bandes de terre enherbée dépassent parfois de la falaise rocheuse, et ces bandes peuvent se détacher sous votre poids. Il vaut donc mieux éviter de vous tenir debout au bord. Privilégiez une petite distance de sécurité, ou une approche à plat ventre.
Toujours dormir au sec!
Dans la réserve de Hornstrandir, le plus important est de rester sec. Mais cela n’est pas toujours possible. Deux journées de pluie et vous voila trempé jusqu’aux os. Une règle doit absolument être respectée, celle de s’assurer de toujours dormir au sec! Pour cela, prévoyez un sac étanche dans lequel vous conservez votre sac de couchage, une tenue de nuit : un legging chaud, une paire de chaussettes en mérinos, un sous-pull en mérinos, un bonnet et une paire de gants. Si vous respectez cette règle, alors vous ne craignez plus le froid, vous aurez toujours de quoi vous réchauffer.
Envoyer votre itinéraire à un proche
En cas d’accident, les secours doivent vous retrouver le plus rapidement possible, le principal danger pour vous étant l’hypothermie. Pour augmenter vos chances d’être retrouvé rapidement, vous pouvez envoyer votre itinéraire à une personne de confiance, avec idéalement un parcours jour par jour. Avec ce document, les secours sauront dans quelle partie de la réserve effectuer les recherches. Le numéro d’urgence en Islande est le 112.
Un système de communication par satellite
Si vous partez randonner dans la réserve de Hornstrandir au début du mois de septembre, les compagnies de ferry vous équiperont automatiquement d’une balise de communication par satellite. Mais ce n’est pas le cas en été. Vous devez alors assurer votre propre sécurité. Un système par satellite n’est pas indispensable en été, mais en fonction de votre situation et de votre expérience, vous pouvez opter pour cet équipement supplémentaire. Dans ce cas, je vous recommande le Garmin inReach® Mini 2 que vous pouvez connecter à votre smartphone.
Avec un tel système, vous pourrez envoyer un SOS, même en l’absence de réseau mobile.
La faune sauvage de Hornstrandir
Les renards polaires
Le renard polaire islandais est le roi de la réserve naturelle de Hornstrandir. Et la corne de Hornvik est la région la plus densément peuplée de renards au monde.
Le renard polaire d’Islande a une particularité, celle d’être en grande majorité de couleur brune. Partout en arctique, ce sont les renards blancs qui dominent. Mais en Islande, l’environnement sombre de la roche basaltique a favorisé la couleur brune.
Un peu d’histoire …
Le renard arctique est arrivé en Islande durant le dernier âge glaciaire, via la banquise. Lorsque cette période s’est achevée, il y a environ 11 700 ans, ces petits canidés sont restés coincés sur l’île. Ceci dit, vu l’abondance de nourriture (oiseaux de mer, crustacés, poissons…) et l’absence de prédateur naturel (à part l’homme), l’Islande a longtemps été un paradis sur terre pour les renards.
Observer et photographier des renards dans la réserve
Hornstrandir est certainement l’endroit où il est le plus facile d’observer des renards polaires. Dans certaines parties de la réserve, les renards ne sont pas craintifs, ils peuvent s’approcher à quelques mètres, voire manifester une envie de jouer. Inutile de vous rappeler qu’il est strictement interdit de les nourrir. Vous devez même limiter vos interactions avec eux. Ne l’oubliez pas, ce sont des animaux libres et sauvages !
Mon expérience personnelle
J’ai passé beaucoup de temps à répertorier et observer des terriers de renards polaires à Hornstrandir. Quelle expérience formidable que de pouvoir assister à l’apprentissage des renardeaux, au nourrissage, aux interactions entre les différents renards. De ce fait, je peux vous dire que, même lorsque les renards semblent peu farouches, la présence de l’humain peut provoquer un dérangement. Il est par exemple courant de les voir changer de parcours à cause d’une présence humaine. Évitez donc de trop vous approcher d’eux, et de vous tenir debout sur leur parcours. Privilégiez une observation à distance et à l’écart de leur chemin.
Les oiseaux de mer
Les falaises de la réserve naturelle de Hornstrandir sont l’habitat de millions d’oiseaux de mer. Si vous êtes ornithologue, ou simplement amateur d’observation d’oiseaux, alors vous êtes au bon endroit!
Fulmars, Guillemots de Troïl, Plongeons catmarins, Phalaropes à bec étroit, bécassine des marais, pluvier doré, eiders, arlequins plongeurs, bécasseaux violets sont communs dans la réserve. Il est même courant d’observer le majestueux Pygargue à queue blanche ou le rarissime faucon gerfaut.
Si en plus de l’observation vous souhaitez photographier les oiseaux de Hornstrandir, alors je vous recommande de vous munir d’un objectif de 600mm. Si certaines espèces comme les phalaropes à bec étroit ou les bécasseaux violets peuvent être photographiés au smartphone, car peu farouches, d’autres espèces comme le pygargue ou les différentes espèces de canards sont plus difficiles à approcher.
Durant la journée, les oiseaux sont actifs et bruyants. Mais durant la nuit (où il fait jour …), le calme s’installe et les oiseaux trouvent un lieu de repos. Ces moments de basse lumière et de calme sont privilégiés pour faire de la photographie ou de la vidéo, ou même pour observer les oiseaux dans des conditions intimes. Attention toutefois à respecter cette intimité et à gagner vos distances. Pour ça, une paire de jumelles est indispensable.
Pour observer les oiseaux à Hornstrandir, le meilleur créneau est de fin juin à fin juillet. Certaines espèces quittent les terres dès le mois d’août.
Enfin, malheureusement les macareux moines ne sont pas présents dans la réserve naturelle de Hornstrandir. La population élevée de renards polaires empêche ces oiseaux, qui nichent au sol et qui sont donc une proie facile, de s’établir dans la région. Pour les macareux, privilégiez les falaises de Látrabjarg plus au sud.
Les mammifères marins
Comme je l’écrivais plus haut, pour se rendre à Hornstrandir, il faut prendre un ferry. Une traversée qui dure entre 30 minutes et 1h30 vous attend. C’est l’occasion pour vous de découvrir l’Atlantique Nord (ou plutôt la mer du Groenland pour être plus précis) et sa faune.
J’ai effectué cette traversée des dizaines de fois, dans de bonnes comme de mauvaises conditions, et les mammifères marins que j’ai observé le plus souvent sont deux espèces de baleine : la baleine à boss (Humpback whale) et la baleine de Minke (Minke whale). Cette dernière espèce étant assez farouche, les observations sont souvent brèves. Par contre, les baleines à bosse occupent des zones sur plusieurs jours et il est généralement possible de les observer dans de bonnes conditions.
Information importante : il est beaucoup plus difficile d’observer des baleines en Islande lorsque l’océan est agité. Si c’est un objectif pour vous, alors réservez votre ferry un jour de grand ciel bleu et de mer calme.
Outre les baleines, vous pouvez croiser des phoques communs dans la réserve. Le meilleur endroit pour les observer se situe dans le fjord de Hesteyri. Il vous suffit de longer le fjord en direction de la vieille station de baleiniers pour les croiser, se prélassant sur les rochers à marée basse.
Les fantômes de Hesteyri
Il y a quelques années Yrsa Sigurdardottir publiait le romain “Je sais qui tu es” (“Ég man þig” en islandais et “I remember you” en anglais), adapté au cinéma en 2017.
Je ne vais pas spoiler ici, mais je peux néanmoins vous dire que l’histoire se déroule dans le fjord de Hesteyri, où un jeune couple se lance dans la rénovation d’une maison de vacances, avant de se rendre compte qu’ils ne sont pas seul·e·s sur les lieux. Un suicide à Ísafjörður, un enfant disparu trois ans plus tôt et des voix étranges dans le cimetière de Hesteyri sont globalement les ingrédients de ce thriller.
Étant donné que le cimetière de Hesteyri est situé exactement à l’emplacement du camp, il est peut être préférable de lire le bouquin après avoir visité Hornstrandir, sauf si, vraiment, vous aimez avoir peur!
Conclusion
La réserve naturelle de Hornstrandir est l’un des plus beaux endroits qu’il m’ait été donné de visiter. La nature y est sauvage, majestueuse, mais aussi rude et implacable. Sa position géographique en fait un refuge pour des millions d’animaux, oiseaux et mammifères, au cœur de l’Atlantique Nord.
J’ai eu la chance d’y passer du temps pour un projet photographique, avant de devenir guide de randonnée et guide photo dans les Westfjords. Ce fût ma plus belle expérience naturaliste.
Par ailleurs, les conseils que je vous donne ici sont basés sur mon expérience dans la région.
Si vous projetez de vous rendre dans la réserve de Hornstrandir, et que vous avez lu cet article, alors vous devez déjà savoir si vous pouvez le faire seul, ou si un voyage guidé vous correspond mieux.
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